Retour vers liste

EN English version
05
18
2021

Dans les coulisses du concours MT180: les lauréates partagent leur expérience

Caroline Betto-Colliard, CUSO

Vendredi 21 mai prochain aura lieu la cinquième finale suisse du concours Ma thèse en 180 secondes. Celle-ci pourra être suivie en ligne dès 18h00 sur le site de l’EPFL, sur mt180.ch et sur la chaîne YouTube de l’EPFL.

Qu’est-ce que le concours Ma thèse en 180 secondes ?
C’est une compétition qui permet à des doctorant·e·s de présenter leur sujet de recherche en termes simples à un public diversifié. Habituellement elle se déroule en salle, avec la chaleur de la présence physique, mais cette année ce sera en ligne, pour des raisons évidentes. Chaque doctorant·e doit faire, en trois minutes, un exposé clair, concis et néanmoins convaincant sur son projet de recherche. Pour que vous puissiez mieux vous faire une idée de ce que représente ce concours, quels en sont les enjeux et les difficultés, le secrétariat de la CUSO a demandé aux quatre dernières lauréates de répondre à quelques questions auxquelles elles ont aimablement accepté de répondre.

Pourquoi avez-vous décidé de vous inscrire au concours de Ma thèse en 180 secondes ?
Désirée König, lauréate 2016 : « Après avoir commencé mon doctorat, j'ai vite remarqué qu'un des éléments qui me plaisait le plus était de présenter ma recherche, par exemple lors de séminaires dans mon département. J'ai donc souhaité m'investir plus dans la communication scientifique, et quand j'ai entendu parler de MT180, j'ai pensé que ça pourrait être une super opportunité. »
Sarah Olivier, lauréate 2017 : « C’est la vice-rectrice Micheline Louis-Courvoisier qui, en premier lieu, m’a suggéré de participer au concours. J’étais alors en deuxième année de thèse, je peinais à circonscrire mon sujet et à trouver un fil conducteur; le concours m’est apparu comme la bonne expérience au bon moment, puisqu’il s’agissait précisément de faire un pas de côté pour revenir à l’essentiel. »
Pascale Deneulin, lauréate 2018 : « Juste avant de m'inscrire en thèse, j'ai entendu des doctorants parler de MT180 à la radio et j'ai trouvé super de pouvoir partager ses recherches ainsi. Ce fût donc un défi personnel lancé à moi-même pour mettre un piment supplémentaire à ma thèse. Je voulais rendre ma recherche accessible au plus grand nombre car faire de la recherche qui reste dans un placard d'université ne m'intéresse pas. Je voulais aussi montrer l'intérêt et l'application de mes activités, redorer un peu l'image du doctorant trop souvent associée à celle d'un individu coupé des réalités du monde, comme dans le film "On connaît la chanson" avec la thèse "Les chevaliers-paysans de l'an mille du Lac de Paladru". J'avoue que j'ai souvent cette image en tête ! Faire revenir la science et la recherche au sein même de la société civile est un véritable défi pour les chercheurs. »
Isabela Grigoras, lauréate 2019 : « Après une conférence que j’avais donnée à l’Institut du monde antique et byzantin, une ex-coach du concours (Pre Danielle Van Mal-Maeder), qui était dans le public, a vu en moi une potentielle participante à MT180 et a partagé son opinion avec ma directrice de thèse, Pre Karin Schlapbach. J’avais pensé moi-même à y participer, parce que l’idée du concours me semblait cool et que je voulais tester mes capacités d’oratrice, mais j’avais peur que ça me prenne plus de temps que j’en avais. Le fait que ma directrice m’ait encouragée à m’inscrire a rendu ma décision beaucoup plus simple.»

Quelles difficultés avez-vous rencontrées pour parler de vos travaux de thèse à un public néophyte ?
Désirée König, lauréate 2016 : « Il est souvent facile d'oublier des étapes dans l'explication, parce qu'elles nous semblent évidentes ; j'ai donc beaucoup dû faire attention à cela. C'est aussi toujours un défi de trouver des expressions françaises et compréhensibles pour des termes qui n'existent qu'en anglais scientifique. Mais j'ai eu beaucoup de chance, car tout au long de mon parcours universitaire, ma mère – qui est loin d'être un scientifique – a toujours voulu savoir ce que je faisais. J'avais donc eu beaucoup d'entrainement grâce à elle. »
Sarah Olivier, lauréate 2017 : « La difficulté tient à la fois au processus de vulgarisation et au format court, puisque tous deux se situent aux antipodes de ce qu’on attend généralement d’un·e doctorant·e.»
Pascale Deneulin, lauréate 2018 : « De trouver la manière juste pour simplifier les propos tout en gardant la substance scientifique qui montre que c'est une thèse, faire ressentir la complexité des travaux, sans effrayer les gens. »
Isabela Grigoras, lauréate 2019 : « Je pense que la chose la plus difficile a été de concevoir le texte, car il fallait choisir seulement des idées simples et captivantes et faire une histoire avec. Après, j’ai eu aussi quelques difficultés concernant le français, qui n’est pas ma langue maternelle. De ce point de vue, j’étais contente de devoir parler seulement 180 secondes. ????»

Comment vous êtes-vous préparée pour ce concours ?
Désirée König, lauréate 2016 : « Beaucoup moins qu'on pourrait s'y attendre. Pour la sélection fribourgeoise, j'avais écrit le texte la veille et l'avais répété quelques fois (il était en fait beaucoup trop court). Entre la sélection fribourgeoise et la finale nationale, j'ai ensuite saisi l'opportunité offerte par la CUSO de retravailler la présentation avec une coach. Nous nous sommes penchées sur le texte ensemble, et elle m'a aidé à tourner les choses de façon plus amusante et plus intuitive. Avant la finale nationale, j'ai re-répété mon texte quelques fois pendant que je passais du temps au microscope et le soir avant la finale. Entre la finale suisse et la finale internationale, j'ai répété mon texte 3 fois au total. Comme les membres des jurys qui m'ont attribué le 1er prix m'ont dit qu'ils appréciaient mon authenticité, je pense que la stratégie de ne pas sur-préparer a été la bonne pour moi. »
Sarah Olivier, lauréate 2017 : « La préparation s’est faite en deux temps: d’abord composer le texte, trouver les bons mots, les bons enchaînements, le bon vocabulaire; ensuite s’entraîner à l’ « incarner », à le transmettre oralement, en usant du bon ton, des bons gestes, et en essayer de garder le plus de spontanéité possible.»
Pascale Deneulin, lauréate 2018 : « J'ai déjà visionné plusieurs vidéos des années précédentes afin d'analyser la structure et la manière de parler. Ensuite, ce fût un long travail d'écriture (13 versions différentes ????) pour trouver les mots justes et percutants. Et enfin, un travail de répétition pour que le texte, appris par cœur, vienne le plus naturellement possible. En plus d'être chercheur, ce concours nous demande de nous mettre dans la peau d'un acteur ! »
Isabela Grigoras, lauréate 2019 : « J’ai pris beaucoup de cours offerts par la CUSO et aussi d’autres formations. J’ai présenté mon texte à mes ami·e·s, à mes collègues, à qui voulait m’entendre. Et, de cette manière, j’ai reçu de nombreux feedbacks qui m’ont aidée à améliorer ma présentation. En même temps, la représentante de Fribourg à MT180 2018 m’avait donné un très bon conseil : de rester moi-même et de présenter le texte comme je le sens. C’est pour ça que je n’ai pas suivi tous les conseils que j’avais reçus – il faut améliorer, mais il faut aussi rester fidèle à son propre style.»

Que reste-t-il d’une thèse lorsqu’elle est réduite à 3 minutes de présentation et une seule image ?
Désirée König, lauréate 2016 : « Il reste généralement surtout la question centrale. Celle qu'en tant que doctorant on n'ose généralement pas poser car elle semble trop ambitieuse.»
Sarah Olivier, lauréate 2017 : « Dans l’idéal, l’essentiel, ce qui constitue le cœur de la thèse. »
Pascale Deneulin, lauréate 2018 : « La seule chose importante que le cerveau humain peut réellement retenir sur le long terme, tout le reste d'une thèse est de l'ordre du développement technique ou scientifique, très utile pour la communauté de chercheurs mais moins pour la société.»
Isabela Grigoras, lauréate 2019 : « Il reste ce qu’un public néophyte retiendrait si on parlait d’une thèse pendant 3 heures et on utilisait une dizaine d’images. Il reste même plus. C’est pour cela que je trouve l’idée du concours géniale : on provoque des doctorant·e·s à trouver l’essence de leur travail et à la présenter au grand public en utilisant des mots simples. Ça ne demande pas seulement de l’intelligence, mais aussi un peu d’humilité et d’amour, je dirais. Et sans ces trois éléments, je crois que nous risquons de devenir des scientifiques arides. »

Qu'avez-vous appris de cette expérience sur le plan professionnel ? Et sur le plan personnel ?
Désirée König, lauréate 2016 : « Sur le plan professionnel, l'expérience m'a appris que la communication scientifique est vraiment ce qui me plaît, j'ai donc, après mon doctorat, quitté la voie académique et me suis dirigée vers la communication. Sur le plan personnel, j'ai aussi appris à apprécier ma façon d'être. Je suis très mauvaise actrice. Je ne sais pas faire semblant. Le fait que les jurys m'ont choisi pour mon authenticité et pas pour mes capacités théâtrales, m'a montré à quel point cette caractéristique est précieuse. »
Sarah Olivier, lauréate 2017 : « J’ai appris à mieux parler de mon travail, à être capable d’en partager les contours précis, à la fois dans le domaine professionnel et personnel. Les techniques d’expression orale acquises durant la préparation du concours me servent encore aujourd’hui lors que je dois m’exprimer sur mon travail, par exemple dans le cadre de colloques ou de conférences.»
Pascale Deneulin, lauréate 2018 : « J'ai appris énormément sur le plan professionnel, comme par exemple, parler en public de manière vivante (très utile pour l'enseignement et le bien-être de nos étudiants), à trouver les mots justes, faire des métaphores, mettre un peu d'humour dans mes propos, faire des phrases simples, etc. C'est un vrai travail de réflexion et d'écriture à utiliser sans modération. Personnellement, j'ai rencontré des doctorants passionnés, des formateurs extraordinaires et un encadrement de l'UNIL et de la CUSO à la fois convivial et professionnel. La mixité des horizons de recherche et du regard apporté sur notre prestation est une véritable école de modestie et d'ouverture. Ce fût aussi beaucoup de fous-rires et de belles soirées lors de la finale suisse et internationale.»
Isabela Grigoras, lauréate 2019 : « D’abord, j’ai appris comment parler avec des mots simples sur un sujet complexe. J’avoue qu’avant le concours MT180, je n’avais pas pensé à prendre la peine d’expliquer à ma famille ce que je fais pour mon doctorat. Je pensais que, de toute façon, mes parents et grands-parents n’auraient pas compris ce que je faisais. Ce concours m’a enseigné que les gens comprennent si nous faisons l’effort de leur parler « dans leur propre langue ». J’ai appris aussi comment me présenter devant un public, comment faire face aux émotions, comment travailler sa gestuelle, sa mimique, sa voix – je dirais que ce sont des enseignements importants tant sur le plan professionnel que sur le plan personnel. »

Quel est votre meilleur souvenir de l’aventure MT180 ?
Désirée König, lauréate 2016 : « Pour moi, la finale internationale au Maroc a été une expérience extraordinaire. C'est la première fois que j'étais dans un pays à la culture si différente et j'ai vraiment adoré les quelques jours là-bas. Rencontrer les autres candidats issus du monde entier a aussi été un vrai plaisir. »
Sarah Olivier, lauréate 2017 : « La finale internationale à Liège! De très belles rencontres et des discussions passionnantes autour de sujets très éloignés de ceux qui me préoccupent généralement dans le cadre de ma thèse. »
Pascale Deneulin, lauréate 2018 : « La semaine passée avec les doctorants étrangers lors de la finale internationale.»
Isabela Grigoras, lauréate 2019 : « Les émotions partagées avec les autres participant·e·s. L’admiration et le soutien pendant les répétitions et le concours, la peur avant les présentations, le soulagement d’après, la joie ou la tristesse une fois que les résultats ont été communiqués – tous ces moments ont été chargés d’émotions et ont créé des liens entre mes collègues et moi. Même si c’était une compétition, les émotions que nous partagions m’ont souvent donné l’impression que nous étions une famille et j’ai adoré ça. Je me suis même fait des ami·e·s. J’aimerais mentionner aussi un souvenir drôle. Après avoir gagné la finale suisse, le même soir j’ai eu un entretien avec un journaliste. J’étais tellement enthousiasmée de ma réussite, que je n’ai pas su répondre clairement à la première question. La question était : Quel est le titre de votre thèse ? »

Recommanderiez-vous aux autres doctorant·e·s de tenter l’expérience MT180 ? Et pourquoi ?
Désirée König, lauréate 2016 : « Absolument, c'est une chouette opportunité de rencontrer d'autres doctorant·e·s. Et essayer de résumer sa thèse autant permet souvent de clarifier, pour soi-même, quelles sont les choses vraiment centrales à sa thèse. »
Sarah Olivier, lauréate 2017 : « Je recommande vivement l’expérience à quiconque qui, comme moi, peut parfois se sentir seul avec son sujet et avoir l’impression de perdre de vue ce qui en constitue le fil conducteur. Le concours force à prendre de la distance vis à vis de sa recherche et à en percevoir, trouver, retrouver ou préciser l’essence.»
Pascale Deneulin, lauréate 2018 : « C'est une évidence ! j'ai tellement progressé dans ma manière d'écrire et de présenter que le "retour sur investissement" est énorme. Le métier de chercheur implique de pouvoir valoriser ses résultats et ce concours offre un moyen unique de le faire. Au-delà du concours en lui-même, la formation fournie par la CUSO et les universités qui est essentielle pour une carrière de chercheur ou une vie professionnelle épanouie. De plus, il offre une visibilité très utile pour trouver du travail…»
Isabela Grigoras, lauréate 2019 : « Oui. Sans aucun doute, oui. Parce que c’est un défi et les défis sont bons si nous voulons progresser. C’est une occasion de mieux comprendre ce que nous faisons (ce concours m’a forcée à réfléchir aux points essentiels de ma thèse), d’apprendre comment être concis·es et éloquent·e·s, de se confronter et surmonter nos peurs – de se faire vulnérables pour devenir plus fort·e·s. Bref, c’est une occasion de s’épanouir et de s’amuser en même temps. En plus, c’est une occasion unique de populariser notre recherche et de montrer au monde comme il est important d’avoir des chercheurs et des chercheuses.»

Mots clés: Milieu de thèse, Fin de thèse, MT180, Vulgarisation scientifique